
Le guide de l’Amour nomade
Le voyage est une machine à gagner du temps, un condensé extrême de vie commune. Plus rapide qu’une thérapie de couple, et plus complet que le programme de l’ile de la tentation. Le voyage en couple est le Pékin express de l’amour. Puisse ce guide vous décomplexer, ou bien vous amuser.
Vous venez de rencontrer l'amour sur la route ? Le backpacker solitaire que vous étiez entame une aventure amoureuse pendant le voyage ? Ou bien partez-vous découvrir le monde avec votre partenaire, fraîchement rencontré ? Quoi de plus romantique qu’un voyage autour du monde ? Et bien, beaucoup de choses. Un restaurant, une virée au spa, un KFC, un pastis au bar PMU… Le voyage, lui, est une épreuve pour le couple. Il faut l’observer comme un condensé extrême de vie commune, une machine à gagner du temps. La compatibilité du couple est presque immédiatement révélée aux voyageurs. La proximité, voir parfois, la promiscuité, joue un rôle essentiel dans le processus de gain de temps. Les masques tombent rapidement et on découvre très vite la réelle dynamique de son couple. Bien que dans sa globalité, le processus se déroule seul, un peu comme si l’on avait embarqué dans le train des montagnes russes, il existe des aspects maîtrisables. Un peu de préparation et une pincée de réflexions préalables sauront rendre l'expérience plus polie. Un amant en sac à dos averti en vaut deux. Voici un guide de support emotionnel aux agressions de la route, nulle garantie qu’il sauve votre union, mais assurément, vous décomplexera t-il. Bonne chance !

SOMMAIRE
- Gérer son intimité de couple
- L'affaire sensible des toilettes
- La gestion des conflits
- La destination commune
- Présentations officielles
- Les ruptures
- L'après

PHASE n०1 attention au départ
La phase numéro 1, pour un couple naissant, c’est une étape de séduction. Elle peut paraître un peu futile et niaise mais elle est fondamentale. Elle est une introduction à un texte magnifique qui peut changer nos vies, mais si elle est mauvaise, on n’en lira jamais que les premières lignes. Il faut toujours soigner ses introductions, ainsi que les petits papillons. Quoi de plus doux et fragile, au début, que les papillons dans le ventre ? Et comme ils auraient besoin d’un petit cocon pour les protéger et leur donner le temps d’éclore naturellement. Et bien, il n’y a malheureusement pas de place dans vos sac à dos pour l’eau de rose. S’il est difficile de garder de l'espace et de l'intimité dans les débuts d'une relation intime sur les routes, il est tout de même quelques supplices que l'on peut s'épargner avec un peu d'anticipation.
Gérer son intimité de couple
Nous avons, lors de la phase numéro 1, deux types d’intimité à préserver pour le bon développement de son couple : l’intimité physique et l’intimité psychologique. Aussi bien l’un que l’autre de ces deux aspects, sont souvent sommairement violés par les conditions du voyage. Cependant, il existe ici encore quelques manières de se préparer et de se prémunir.
Éviter les chambres communes :
Parce que la passion est brûlante dans les premiers jours d’une relation, il est recommandé d’éviter les chambres communes des auberges. Il est bon de révéler que non, un drap qui pend entre deux lits superposés, s’il cache la vue directe sur vos parties nues à l’action, ne vous assure absolument aucune isolation sonore. Trop nombreux sont ceux qui négligent ou ignorent volontairement ce détail.

Nous avons ici beaucoup d’aspects négatifs que je vous propose d’étudier rapidement.
Atteinte à l’intimité physique
Mais également, atteinte au respect normalement dû à vos camarades de chambre qui attendent patiemment la fin de vos échanges passionnés pour se rendormir. Il y a des couples qui n’ont aucune pudeur et qui, consciemment, ne laissent aucun doute sur l’évidence de leur besogne pour leurs camarades de chambre. Il y en a d'autres que l’on devine pudiques et qui fournissent des efforts de dissimulation, tous couronnés d’insuccès. Il n’existe pas de bonne dissimulation de partie de jambes en l’air dans une chambre commune. Elles sont toujours plus ou moins détectables, il est essentiel de se l’avouer. Si votre lit ne grince pas, il remuera silencieusement le camarade de chambre qui tente de dormir au-dessus de vous. Si vos mouvements subtils ne créent aucune vague, certaines humidités au tempo régulier trahiront votre besogne.
Certains, rodés à la tâche, s’appliquent à une maîtrise méthodique de chaque paramètre. Un camarade de chambrée qui bouquine dans la pièce, n’aurait aucune preuve tangible pour accuser ses soupçons quant à la scène qui se déroule derrière les draps tendus de cette “cabane de lit”. Pourtant, les doutes finissent toujours par s’envoler, chassés par des souffles saccadés, même les plus brefs.
Nombreux sont les couples opportunistes, qui pensent s’en tirer à bon compte en sautant rapidement sur l’occasion d’une chambre commune momentanément vide. Et nombreux sont ceux dont le bouquet final du concert de fesses est acclamé par le raclement de gorge ou la toux forcée de “ce type”, qu’on avait pas vu, et qui était là depuis le début. Et s’il n’est pas là, soyez sûrs qu’aux heures creuses, c’est la femme de ménage qui, en dévérouillant la porte plus vite que Lucky Luke ne tire sur son ombre, aura vue sur la lune. Son “sorry”, sans âme, interchangeable en intonation avec un “hi” standard, vous laissera deviner combien avant vous avaient aussi cru pouvoir s’en tirer sans heurt.
Atteinte à l’intimité psychologique
En choisissant les chambres communes des auberges, vous surexposez les débuts de votre relation aux questions permanentes de vos camarades de chambre. Et à leurs regards en coin si vous n’avez pas réussi à retenir vos ardeurs dans votre chambre de 8. La fréquence et la redondance des questions posées sur l’histoire de votre couple, porte atteinte à l’intégrité de votre romance. Il faut imaginer ici, répéter quotidiennement et à plusieurs reprises, que “oui, nous sommes en couple” suivi de l’histoire charmante que l’on contait en rougissant, et que l’on sert à présent aussi froide qu’une soupe que l’on a plus le goût de réchauffer.
Il ne faut pas perdre de vue que ces questions sont ajoutées à la redondante liste d'interrogations sur votre parcours : “Pays d’origine, âge, pays visités, projets de déplacements”, cette récitation rébarbative que l’on voulait déjà se mettre en pancarte autour du cou pour ne plus s’entendre les répéter.
Nous décrivons ici une situation seulement exaspérante, mais qui peut devenir agonisante si vous êtes engagé dans une très fraiche affaire romantique. Il faut savoir que même les employés d'hôtels, responsables de votre enregistrement à l’accueil, sont susceptibles de vous poser des questions sur votre statut relationnel. Avoir réservé une chambre privative ne fait que réduire les risques de questions embarrassantes. Si votre relation en est à ses premiers balbutiements, non consommée et encore inavouée, il est essentiel d’avoir réfléchi à une répartie satisfaisante pour parer la gêne intense d'interrogations bien trop manichéennes, telles que : “vous êtes en couple ?” Notre but dans cette démarche de préparation, est de protéger la magie des premiers instants de notre relation contre l'embarras cru et sordide.
Une liste non exhaustive des effets secondaires d’une préparation négligée sera la suivante :
De longs silences gênants; des échanges de regards confus; de la tachycardie; de la transpiration; des maladresses aux lourdes répercussions sur la suite de votre romance, telle que de répondre “non” à la question : “êtes-vous en couple ?” mais également de répondre “oui” trop spontanément, et passer pour un conquérant qui ne doute de rien et dépêche sa charrue à grands coups de bœufs.
Même si l’un et l’autre des acteurs de la relation comprendra le stress qui aura généré une réponse maladroite, votre partenaire pourra vous tenir rigueur de l'énergie dégagée au moment de la réponse. Un “non” franc, est un uppercut pour l’égo, et doit induire un comportement de méfiance pour la suite des évènements. Dans tous les cas, le stress s’invite dans ces moments incontrôlés, et le stress peut aussi causer des désagréments gastriques dommageables pour le romantisme. Il n’existe pas de bonne réponse à ces questions malvenues, une bonne préparation sera un échantillon de phrases d’esquives.
Quelques exemples d'esquives sont ici proposés :
Déflexion rhétorique : (c’est à dire, qui vise à répondre par une autre question)
Avec effet miroir grotesque : “et vous ?” (ici, on renvoie subtilement l’interlocuteur à l’intrusivité malvenue de sa question en lui posant la même, sans répondre à la sienne)
Ingénue : “par rapport à quoi ? Pourquoi avez vous besoin de cette info ? Comment puis-je vous aider ?”
L'aveu : (qui peut être gênant et moins habile)
“C’est une question encore un peu délicate. Est-ce que je peux répondre à autre chose ?”
L’agressive : (pour les amoureux de la violence gratuite)
“Et qu’est-ce que ça peut te foutre ?”
Si vous ne pouvez pas vous offrir de chambre privées
Pour conclure sur nos affaires intimes physiques, optez, par exemple, pour les douches communes, à l'extérieur de la chambre, en dehors des heures d'affluence. Notez qu’il est tout à fait possible d’éviter les grands bruits de fesses qui résonnent dans tout le bâtiment.
C’est aussi le moment de laisser libre cours à votre imagination pour trouver le petit nid où couver vos ébats. L’exercice vous rendra plus complice et vous épargnera les malaises associés aux sordides unions publiques en chambre de 12.
Ne passons pas à côté, ici, d’une bonne occasion de faire un rapide état de vos chances de succès dans cette relation. Pourquoi ne pouvez-vous pas vous payer une chambre privée ? Peut-être êtes-vous à Singapour ou en Australie, et ce type de chambre ne vous laisserait pas même les finances nécessaires à un régime de nouilles instantanées. Peut-être êtes-vous dans une situation financière délicate, aléas fréquents des longs voyages. Mais peut-être que l’un de vous n’a littéralement pas envie d’investir dans cette relation. C’est assurément un élément important à garder à l’esprit. Si votre moitié est à l’aise financièrement mais ne souhaite pas dépenser un peu plus pour offrir un peu d’intimité à vos débuts, c’est que vous n’êtes pas une priorité. Vous pouvez alors vous “amuser” à observer les dépenses de votre partenaire, et prendre conscience de votre position dans la liste de ses priorités. Si ce n’est pas vous le pingre de l’histoire, faites attention à ce que vous allez investir, ou sacrifier, pour cette personne qui n’a assurément pas l’intention de s’engager pour le moment.
Si vous êtes un jeune couple d’hirondelles aux bourses plates, et que l’amour et l’eau fraîche sont vos seules ressources, vous avez deux options de chambres communes, mais le choix n’est pas une chose évidente. Voici les avantages et les inconvénients :
La chambre de 4
Un choix apparemment attrayant, car moins de monde rime sûrement avec plus d’intimité ? C’est une erreur. C’est dans la foule que l’on trouve l'anonymat et l’indifférence. Une petite chambre avec deux autres personnes, cela va forcément signifier une proximité physique et psychologique plus importante.
Cela dit, les chambres de 4 sont souvent plus chères que les chambres de 8 ou de 12, ce qui vous assure presque, en saison basse, d’avoir une chambre privée au prix d’une commune. Attention cependant, à bien attendre la fermeture du bureau d’inscription de l'accueil, voir, de vérifier qu’il n’y ait pas d'arrivée tardive de prévue dans votre chambre, avant de faire “péter” vos sous-vêtements.
La chambre de 12
Un choix rebutant de prime abord, c’est pourtant une solution qui présente des avantages. Vous n’y serez jamais seuls, cependant, en grand nombre, vos confrères voyageurs deviennent souvent une foule d’anonymes. Il est plus simple d’y retrouver un semblant d’intimité pour vivre sereinement les débuts timides d’une histoire d’amour.
L’affaire sensible des toilettes
Comme nous le faisions remarquer précédemment, les premiers balbutiements d’une relation amoureuse naissante savent être d’un romantisme insondable. Encore faut-il préserver le fragile cocktail d’endorphines des premiers instants, et pour ce faire, il y a des choses qu’on ne saura dévoiler qu’après la phase de séduction dûment terminée. Tel que typiquement, le contenu de son colon. Les architectures douteuses des hôtels et des auberges, sont souvent les bourreaux de la poésie des premiers instants.
Le bon et le mauvais petit coin