La vallée de la mort

La vallée de la mort

Dans un moment de grande inspiration, je m’engage à vélo avec ma gourde de soixante-quinze centilitres, dans le désert le plus aride du monde. Contre toutes attentes, cela se passe mal.

Margaux

Margaux

Patronne de cette plateforme, Rédactrice / prof indépendante de langues. 1m70, 56kg, Lion ascendant cancer…

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Valle de la muerte, Atacama, Chili. 

J’arrive aux portes de la vallée de la mort, également appelée “vallée de Mars" pour une raison visuellement évidente. J’ai loué un vélo et les trente minutes de coups de pédales qu’il m’a fallu fournir depuis San Pedro m’ont assoiffé. Je bois les dernières gouttes de ma gourde de soixante-quinze centilitres.

“I ran out of water.”
“Je n'ai plus d’eau.” J'adresse ces mots à mon compagnon d’aventure, rencontré la veille dans mon auberge. Il s’agit d’un Brésilien aux yeux bleus, svelte et athlétique, qui me regarde en souriant. 

“It’s alright, I still have half of mine.” 
“C’est pas grave, j’ai toujours la moitié de la mienne” me lance-t-il sans perdre son sourire. 

Nous sommes stationnés au pied d’un panneau qui recommande deux litres d’eau par personne pour visiter la vallée. Il faut également s’acquitter d’un droit d’entrée auprès d’une petite bonne femme dans sa guérite pour visiter ce parc naturel. Je pénètre le petit post d’entrée, qui me fait penser à une base scientifique posée sur Mars. Il n’y a rien, pas de distributeurs automatiques, pas même une chaise. Ce ne sont en fait que des toilettes. J’actionne le premier robinet, un filet tiède s’écoule, j’y passe mes doigts que je porte ensuite à ma bouche. Un réflexe me fait cracher aussitôt. C’est de l’eau salinisée et soufrée. C’est un peu, si l’on voulait se représenter la chose d’une jolie manière, comme de recevoir sur la langue, la caresse d’un pet salé. 

Je pointe mon nez au comptoir de l'accueil et questionne le bout de femme qui y officie : 
“La agua aquí, no se puede beber, si ?”
“L’eau n’est pas potable ici, si ?” C’est une question rhétorique, je m’attends à ce qu’elle me propose une solution. Mais elle se contente de faire non de la tête en riant. 

“Se vende agua aqui ?”
“Il y a de l’eau à vendre ici ?” J'insiste, mais à nouveau, la voici qui fait non de la tête. 

Je souffle. J’ai mon portefeuille dans la main, je dois décider ou non de régler mon billet d’entrée pour un tour en vélo dans la vallée de la mort, au cœur du désert le plus aride du monde, sans eau. Je jette un coup d'œil par-dessus mon épaule, mon Brésilien m'attend, son ticket d’entrée déjà en main. À sa droite, le panneau “deux litres d’eau minimum par personne” me fait les gros yeux. Mon regard les balaie tour à tour, le Brésilien agite son index, paume vers le ciel, pour que je le rejoigne. Je paie mon ticket d’entrée. 
De toute façon, j’ai payé la location de mon vélo pour la journée entière. 

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