Là où personne ne peut vous entendre
L’erreur que nous venons de commettre est aussi stupide que surprenante, aussi, sommes nous plongés quelques instants dans une stupeur muette. Le fonctionnement de nos cerveaux est altéré par la piquette, je vais même finalement jusqu’à rire de notre bêtise. Nous pouffons de concert, inconscients.
Quelque part, au sud de Farewell Spit, Nouvelle-Zélande.
Je suis membre d’un convoi de trois véhicules et de six voyageurs. Nous venons d’établir le campement au bord d’un rivage vaseux. La marée descendante a retroussé ses vagues si loin qu’on ne les distingue même plus à l’horizon. Il n’y a pas d’eau non plus dans nos camions, environ un litre chacun. Dans le voisinage désert, nous n’avons croisé qu’une paire d’âmes peu charitables, décidées à ne céder aucune goutte du précieux liquide. Nous avons eu la surprise de découvrir que les quelques rares habitations alentour ne s’alimentent en eau que grâce à un système de collection des pluies, et les beaux jours ont malheureusement été nombreux. C’est donc nouilles chinoises sèches pour tout le monde ce soir au campement. Nous avons disposé les véhicules dans un cercle, au centre duquel nous trônons lourdement avinés. Si l’eau manquait, le vin coulait à flot. Pas de doute, Jésus aurait été fier de nous.