Margaux Margaux

Des hurlements dans la nuit

L’adrénaline me redresse aussitôt sur mes fesses et l’estomac mordu par le stress, je tends la main vers cette bouche béante sur l’obscurité du bush. Mes doigts agrippent la tirette de la fermeture éclair et je la remonte à toute vitesse. Juste à temps.

Des hurlements dans la nuit

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EXTRAIT : Des hurlements dans la nuit
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Quelque part dans le désert, au sud de Darwin. 

Nous n’aurions pas dû nous arrêter dans ce bar de bord de route, du moins, nous n’aurions pas dû y tenir le comptoir si longtemps. Nous avons perdu beaucoup de temps sur les heures de conduite que nous aurions normalement dû effectuer. Outre l’état d’ivresse, la nuit nous força à trouver un endroit où camper à seulement une brassée de kilomètres au sud de Darwin. Mes deux amis et moi-même, aurions dû conduire toute la journée afin de perdre quelques degrés Celsius et ainsi établir notre premier campement en dehors de la zone de fournaise. Mais, l’appel de la bière fût plus fort que le plan initial. C’est donc dans un four crématoire que nous plantons notre tente ce soir. 

Nous sommes sur un promontoire, un petit lac brun se tient en contrebas, entièrement entouré de barbelés. Il n’y a qu’une maigre brise qu’il nous semble presque rêver. Finalement, cela tombe plutôt bien que nous soyons ronds, car pour dormir bien, n’est-il pas question de dormir pleins ? L’heure d’aller suer à l’horizontale sonne enfin. Nous nous vautrons tous les trois sous la tente dont nous laissons l’entrée ouverte. Au diable les risques de soirée pyjama avec araignées et serpents Australiens, la chaleur et la piquette nous ont convaincu que le risque était à prendre. 

Mes deux amis sont presque immédiatement emportés par morphée. J’entends leurs souffles réguliers qui se mêlent au chant nocturne du bush australien. 

Allongée sur le dos, les bras en étoiles, les tempes battantes et trempée de sueur, j’ai la sensation d’être une carbonnade qui cuit lentement à l’étuvée. L’idée d’aller m’allonger sur la banquette de la Nissan Patrole me traverse l’esprit. J’allais me lever pour tenter l'expérience, lorsqu’un hurlement me crispe les membres. On dirait un loup, ou bien un husky. Le hurlement reprend. Cela vient du contrebas, derrière le lac brun. Je suis rassurée de comprendre que l’animal est plutôt loin. Mais tout à coup, un autre hurlement se fait entendre, juste derrière la tente. Je sursaute et porte une main à ma bouche, les yeux écarquillés par la terreur. J’entends qu’on fouille dans un sac en plastique, juste au-dessus de ma tête. La poubelle ! Nous avons oublié de ranger la poubelle. Le hurlement reprend tout contre la toile de la tente. Je sursaute à nouveau. Il s’agit surement d’un dingo qui crie à sa meute qu’il vient de trouver un bon butin. Une rapide réflexion entre deux sursauts, me mène à penser qu’il ne peut s’agir que de dingos, une espèce de chiens sauvages couleur sable dont j’ai déjà entendu parler. Je ne sais rien du tout de ces animaux. Sont-ils agressifs ? Je suis tétanisée. Mes deux amis dorment toujours comme des bienheureux. Je n’ose pas les réveiller pour les prévenir du danger, angoissé à l’idée qu’ils parlent et révèlent notre présence aux prédateurs qui encerclent la tente. Au son des pattes qui martèlent le sol, j’estime qu’ils sont plusieurs. 

Je n’ose pas remuer un membre. A nos pieds, la toile de tente est toujours entre-ouverte. Je m’attends à tout moment à y voir apparaitre une truffe curieuse. Mon cœur bat si fort que j’ai peur qu’ils puissent l’entendre. 

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